Testé positif au Covid-19, l’ex président tchadien Hissein Habré, admis aux urgences dans une clinique à Dakar (Sénégal), est décédé, ce mardi 24 août 2021 de suites de complications liées au diabète et à l’hypertension. Et, pourtant les spécialistes ont alerté que les comorbidités risquent de compliquer sa prise en charge.
«Sa situation est alarmante depuis son admission à la clinique pour recevoir les soins», confirme un interlocuteur, rapporté le Quotidien. Lancien homme fort du pays est placé le 7 avril 2020 en résidence surveillée au début de la pandémie, pour 60 jours, à cause des risques liés à sa santé et à son âge avancé. « Malgré la gravité de la troisième vague, les autorités ne lui avaient pas accordé ce même privilège en dépit de la demande de ses avocats », insiste une autre source.
Vieux et «malade», Hissein Habré continue à purger sa peine à perpétuité au Cap Manuel. En détresse, son épouse avait plaidé pour que son mari sorte de prison, en saisissant les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’Homme, telles que la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme (Raddho), le Forum du Justiciable, Afrika Jom Center, la Ligue sénégalaise des Droits humains (Lsdh), l’Organisation Nationale des Droits de l’Homme (Ondh), le Comité sénégalais des droits de l’Homme, Amnesty Sénégal.
Son épouse Mme Fatimé Raymonde Habré insistait sur la «santé fragile» de l’ex-président tchadien. «Aujourd’hui, la situation du Covid-19 est grave et les risques sont énormes. La contamination est incontrôlable et se poursuit dangereusement. Nos avocats ont exprimé leur préoccupation en révélant, à ma suite, que le Président est hypertendu, diabétique. Autrement dit, il est en danger», écrit-elle.
Après 8 années de prison, «de multiples tracasseries, de manque de soins adéquats», il est «épuisé par cette détention et à bout», et se trouve «dans ce contexte éprouvant et difficile avec le variant Delta qui effraye toute la population». Mme Habré dénonce également «la mise en danger de sa personne face à cette poussée épidémique». Son appel semble être entendu par la Raddho, le Forum du justiciable et Africa Jom Center. Ils lancent une demande à l’Etat sénégalais de le libérer l’ancien président du Tchad, jugé en 2016, par les Chambres Africaines Extraordinaires (CAE) et incarcéré à la prison du Cap Manuel depuis juin 2013, vu son âge et son état de santé.
Même la tête de file des défenseurs des droits de l’Homme, qui ont milité pour qu’il soit jugé, M. Alioune Tine reconnaît que Hissein Habré garde «intact son droit à la vie et à la santé». Selon lui et les secrétaires généraux de la Raddho, du Fdj, «rien ne devrait s’opposer» vu l’âge, la santé de M. Habré, à un allègement de ses conditions de détention pour des raisons humanitaires. Dans l’attente de leur indemnisation, les 7 396 victimes identifiées du régime «dictatorial» de Habré avaient demandé qu’il continue à purger sa peine.
La Chambre d’appel a confirmé la condamnation en avril 2017, à perpétuité de l’ex-président tchadien, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et torture, et octroyé 82 milliards Fcfa aux parties civiles et mandaté un fonds fiduciaire de l’Union africaine pour lever de l’argent en recherchant les avoirs de Habré et en sollicitant des contributions volontaires. Bien que l’Union Africaine ait adopté le statut du fonds fiduciaire, en 2017 et alloué 5 millions de dollars américain au Fonds, celui-ci n’est toujours pas opérationnel. Plus de 4 ans après, elles sont lasses de patienter pour toucher le fonds.
Feu Hissein Habré a marqué l’histoire tumultueuse du Tchad. Du kidnapping de l’archéologue française Mme Claustre aux deux batailles meurtrières et destructrices de N’Djaména (1979-1980), HH s’est montré intransigeant face à l’unité territoriale de son pays. Après avoir combattu les libyens durant des années et libérer le nord du pays de leur emprise, HH reste l’un de rares présidents africains à rejetter l’imposition de la démocratie par la France au sommet de Baules en 1989. L’année suivante, une rébellion, conduite par l’un de ses fidèles lieutenants, le colonel Idriss Déby Itno, le renverse. Il trouve refuge au Sénégal jusqu’à l’expiration de son dernier souffle.