Bayo Bimantarssoua est une localité située à plus de 80 kilomètres, à l’ouest de la ville de Bitkine, chef-lieu du département d’Abtouyour, province du Guéra. Dans cette localité, beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école. Reportage.
Moussa Issa, 11 ans, vêtu d’un maillot éraflé des côtés et d’une culotte délabrée, n’a jamais été à l’école. « Je ne suis pas allé à l’école. Mon père m’a confié à un de ses amis propriétaires des bétails. J’ai regagné ma famille depuis deux mois. Dès que je suis tombé malade, l’ami de mon père m’a renvoyé. Il m’a dit que je ne suis plus apte à travailler pour lui », confie le jeune Moussa.
La situation dans laquelle se trouve cet enfant ressemble à celle de beaucoup d’autres enfants de la localité.
Les enfants, qui ont le même âge que Moussa, n’ont pas la chance d’accéder aux services sociaux de base.
Bayo Bimantarssoua manque d’infrastructures éducatives, sanitaires et autres. Dans cette localité, les enfants ne reprennent le chemin de l’école qu’en janvier de chaque année, et ce, après la récolte des cultures de contre saison. Même la rentrée scolaire 2023-2024, n’a encore démarré, à Bayo Bimantarssoua.
« Les hangars servant des salles de classes seront construits par les parents d’élèves à la fin des travaux champêtres. Certains parents n’hésitent pas à envoyer leurs progénitures derrière les troupeaux et d’autres sont exploités comme enfants bouviers, après accord avec les propriétaires des bétails contre une rémunération », renseigne un habitant de la localité.
En plus des difficultés liées au manque d’infrastructures éducatives, les enfants parcourent des kilomètres pour se procurer d’eau pour la consommation quotidienne. D’autres s’occupent des tâches ménagères. « Les enfants vont à la recherche d’eau, jusqu’à Marom ou Makoffi, localités situées à presque vingt kilomètres », confie, M. Alhadj Adoum Chérif, chef de village Bayo. « Pendant la saison pluvieuse, les habitants consomment, exclusivement, l’eau de mares. Il n’y a pas de point d’adduction d’eau potable dans notre village », déplore-t-il.
Par ailleurs, le chef de village Bayo témoigne qu’en août dernier, un enfant est tombé gravement malade des suites de la consommation de cette eau. Et de poursuivre qu’il a été transporté au moyen d’un porte-tout, appelé pousse-pousse, pour le centre de santé. Malheureusement, renseigne le chef, l’enfant a rendu l’âme entre Bayo et Arbouchatak. « Nos enfants sont complètement oubliés puisqu’ils ne bénéficient rien de la part de l’État. Ils meurent, chaque année, des suites de paludisme et d’autres maladies hydriques. Quand un enfant ou une femme tombe malade, nous n’avons pas la possibilité de le transférer vers un centre de santé, même le plus proche », regrette M. Alhadj Adoum Chérif.
D’après l’Inspecteur Départemental de l’Éducation nationale d’Abtouyour, M. Abdoulaye Nangterlé, l’école de Bayo n’a pas de cycle primaire complet. En plus, déplore-t-il, les parents n’encouragent pas leurs enfants à aller à l’école. « Ils préfèrent les envoyer derrière les troupeaux », justifie-t-il.
Face à cette situation inquiétante, M. Abdoulaye Nangterlé attire l’attention du gouvernement et de ses partenaires sur l’avenir de ces enfants.
Le vice-président de l’Association des Jeunes de Mahoua (AJM), M. Adef Mouctar Nakoum constate, quant à lui, que l’accès à l’éducation des enfants dans le département d’Abtouyour pose énormément de problème. « Beaucoup d’enfants à l’âge de fréquenter n’ont pas la chance d’aller à l’école », martèle-t-il.
Toutefois, le chef de village Bayo, M. Alhadj Adoum Chérif, ne perd pas d’espoir. Il affirme son engagement à sensibiliser les parents, afin qu’ils laissent leurs progénitures d’aller à l’école pour cette rentrée scolaire.
Un espoir partagé par les parents d’élèves. « Fondée par la communauté, notre école fonctionne grâce aux contributions des parents d’élèves. Comme les enseignants sont à notre charge, nous allons tout faire pour que les enfants démarrent les cours à temps », souligne, M. Markous Ahmat, représentant des parents d’élèves qui sollicite également l’affectation des enseignants et la dotation de l’école en matériels didactiques.
En plus de ces enfants non scolarisés ou de ceux qui débutent les cours avec grand retard, les élèves des écoles coraniques subissent aussi plusieurs formes d’exploitation. À Bitkine, chef-lieu du département d’Abtouyour, comme Bayo, des centaines d’enfants n’ont pas accès à l’éducation. Envoyés, pour un objectif noble, d’après les parents, celui d’apprendre le saint Coran, certains de ses enfants se livrent à la mendicité ou deviennent des transporteurs d’eau à dos d’âne, communément appelé Kouroudje. « Si les enfants ne sont pas éduqués, s’ils sont laissés à la merci de la nature, c’est que l’avenir du pays est en danger. La place idéale d’un enfant, c’est la famille et l’école », indique M. Abdel Aziz Dambalia, le délégué provincial de la Femme, de la Protection de la Petite Enfance et de la Solidarité Nationale du Guéra.
Vivement que cette situation des enfants doit interpeller les responsables politiques, éducatifs, sanitaires et même les parents, car il y va de l’avenir de ces enfants.
Mahamat Saleh Koyoma Lawandji