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Tchad: «On ne peut pas renvoyer aux calendes grecques les législatives»

Maintes fois différées depuis cinq ans, les élections législatives au Tchad, qui devaient se tenir en décembre, ont été finalement repoussées au 24 octobre 2021, soit six mois après la présidentielle du 1er avril. Le G24 des partis politiques de l’opposition a publié un communiqué lundi : il rejette ce nouveau calendrier. Membre de ce G24, Mahamat Ahmad Alhabo est secrétaire général du PLD, le parti de l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh, disparu le 3 février 2008 après son enlèvement. 

RFI : Pourquoi rejetez-vous le nouveau calendrier électoral ?

Mahamat Ahmad Alhabo Parce que nous, on est pour qu’on organise d’abord les législatives et ensuite les présidentielles, à la rigueur on peut cumuler les deux mais on ne peut pas envoyer aux calendes grecques les législatives, et si on organise la présidentielle en avril, il n’est pas du tout certain que les autres élections à savoir les législatives et les communales puissent être organisées plus tard.

En octobre 2021, cela fera six ans que le mandat des députés aura expiré, à l’annonce du premier report vous n’aviez pas imaginé six ans sans élections législatives ?

C’est exactement ça ! Pour lui, la démocratie c’est lui, son élection, mais les autres pouvoirs tels que l’Assemblée nationale, la justice, ne sont pas très importants. C’est un grand problème pour nous, pour notre pays parce que des députés qui n’ont pas de mandat depuis six ans votent des lois et les conventions internationales. Tout ça, ça tombe dans une certaine illégalité et illégitimité.

Il y a cette question du calendrier, mais il y a aussi la question de la crédibilité du processus qui vous inquiète ?

Oui du processus électoral, et de ceux qui sont chargés d’organiser ses élections à qui on a confié la tâche. Nous demandons que le pouvoir arrête de s’ingérer, arrête de donner des oukazes aux membres de la Céni. Il faut qu’il les laisse travailler en transparence, et qu’on élise des hommes indépendants du pouvoir et non des marionnettes.

Mais un recensement électoral biométrique est prévu, c’est plutôt une bonne nouvelle non ?

Oui, on organise un recensement biométrique, mais le jour du vote, vous n’avez pas de kit d’identification, qui identifie que vous êtes le porteur de cette carte et pas une autre personne donc on amuse un peu la galerie, on a dit qu’on a fait un recensement biométrique, mais à quoi sert une carte biométrique si le vote n’est pas biométrique ? Il ne sert absolument à rien.

Et ce titre de maréchal du Tchad, pour le chef de l’État, comment le prenez vous ?

Ça nous choque beaucoup parce que ça nous rappelle Idi Amin Dada, ça nous rappelle Mobutu, ça nous rappelle Bokassa, et malheureusement ce sont ces personnes-là à qui monsieur Déby voudrait ressembler et c’est triste pour nous au Tchad.

Alors vous reprochez au pouvoir d’être figé dans le passé, mais l’opposition tchadienne offre-t-elle vraiment un visage différent ?

Il y a presque une centaine de partis politiques de l’opposition au Tchad. Malheureusement, beaucoup de ceux qui se disent de l’opposition travaillent contre l’opposition pour le pouvoir. C’est très malheureux de le dire mais ce sont des sous-marins de pouvoirs qui torpillent les actions de l’opposition.

Mais les petits jeux, les calculs politiciens, les querelles de leadership, est-ce que l’opposition se montre à la hauteur des enjeux ?

C’est un grand problème pour l’opposition tchadienne de s’entendre pour choisir une seule personne qui puisse porter la voix de toute l’opposition. Vous savez que le pouvoir travaille aussi à cela. Par derrière, il suscite aussi les divisions de l’opposition et cela c’est de bonne guerre n’est-ce pas. Donc ce n’est pas aussi simple qu’on puisse le croire.

Au sommet du G5 de Pau, il était question d’envoyer un bataillon tchadien dans la zone des trois frontières, le président Déby n’est plus favorable aujourd’hui, qu’est-ce que vous en pensez ?

Oui, au début, le président Déby a projeté au Mali, très loin du Tchad, un nombre considérable de Tchadiens qui sont partis mourir pour défendre la cause à la fois malienne et française et donc, c’est une dette de sang avec la France, et en retour le gouvernement français, les autorités françaises ferment les yeux sur toutes les dérives dictatoriales, les violations massives et intempestives des droits de l’homme au Tchad. Aujourd’hui, il a peur de le faire parce que les militaires tchadiens commencent à rechigner, à parler, à manifester leur mécontentement. Donc, il a peur d’avoir des problèmes sur ses arrière-gardes.

Jean-Yves Le Drian reste au Quai d’Orsay, quelle est votre réaction ?

Monsieur Le Drian est un grand ami de monsieur Idriss Déby. Il vient souvent voir monsieur Déby, jusqu’à chez lui dans son village d’Amdjarass et donc en famille. Ils parlent on ne sait pas de quoi, mais dans tous les cas il a toujours été un soutien inconditionnel de monsieur Idriss Déby quand il était aux Affaires étrangères et quand il était également au ministère de la Défense. Donc par conséquent le peuple tchadien n’attend rien de monsieur Le Drian et du gouvernement de monsieur Macron.

Source: RFI

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